J’ai été sollicité par le Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest pour écrire un poème. Une lettre est née de cette rencontre. 

Mon amour, mon enfant, ma vie.

Aujourd’hui, mon combat n’est plus de cultiver.
Il est de guérir.
Aujourd’hui, non par mes mains ni par mon labeur quotidien,
mais par ma voix, ma parole résistante,
je vais enfin te dire.
Loin de moi les scandales.
Le mal qui me ronge, seul, témoigne.

J’ai nourri sang et os,
j’ai sué terre et feu,
mille labeurs pour une semence.
Pour une récolte, mille sacrifices.
J’ai enfanté la céréale, mûri le fruit,
pour toi, pour nous,
la communauté invisible et vaste,
à qui je dois mon geste.

Combien de soleils couchés sur mes fatigues ?
Combien de peines cachées sous mes plaines ?
Aux champs d’honneur, mon tracteur navigue.
Comment croire que je semais poison, désespoir et peine ?

Vie. Voilà le mot que je pensais répandre.
Contre toute concurrence, rendement ou attente.
Elle était aussi lumineuse et riche qu’un épi de blé.
Cette vie… qu’une trahison pourrait m’arracher.

Cancer.
Ce mot qui oppose.
Ce mot qui fait peur.
Ce mot contre lequel je me bats désormais.
Un mot qui n’est rien comparé à ma douleur.

De leur bouche, tout crache l’indifférence,
les solutions, le mépris, les défenses…
« Tant de choses provoquent la maladie »…
Tant de folie, de tromperie, de non-dits, aussi.

Reconnaissance.
Ce mot, que même malade, même vidé,
je dois encore prouver.

Toi, mon amour, mon enfant, ma vie,
entends-le. Dis-le. Offre-le.

Ma colère, mes acharnements, ma naïveté, mon déni.
Que ces fardeaux soient ton héritage.
Ce legs de détresse, comprends-le.
À ton tour cultive-le. À ton tour, aime-le.
Rends-le beau et vivant, au-delà de toutes mes erreurs.
Beau, vivant.
Et juste !

Fais-en une graine, un rêve, un meilleur.
Fais-en un avenir enviable.
Apprends. Réapprends ce qui fait de nous des hommes.
Mais surtout, refuse.

Refuse le poison.
Ni peste. Ni engrais.
Ni chimie. Rien.
Aucun discours, ni stratégie.
Aucune de leur peur artificielle.

Chaque graine naturelle que tu sèmes,
nomme-la Victoire.

Mon amour, mon enfant, ma vie,
mon silence hurle désormais plus fort qu’un profit.

Et toi, vas-y, crie :
Je suis le maïs, le blé, l’orge, le seigle…
Regarder la Terre vivre sera ma chance.

À travers ce sol en pleine santé, je renais,
À travers demain, les espoirs que tu nourris,
Je guéris.

jw

Lettre à Sacha - Julien Weber

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